31/07/2010
Le Cantique suisse et le Dieu des orages

Le chantera-t-on dimanche soir avec la même ferveur d’antan - après le sermon du pasteur, le laïus du syndic? A la lumière des lanternes lunaires et des vésuves? Le Cantique suisse, composé par Alberich Zwyssig en 1841, ne sent plus le grand feu de sarments, ni le vin chaud qu’on buvait en pleines chaleurs estivales tout en grattant des allumettes de Bengale à la lisière de la forêt communale de Pully-Nord. Les Helvètes l’apprécient encore, mais c’est pour qu’il retentisse dans un stade olympique du bout du monde à la remise d’une médaille à un sportif helvète itou. Leur patriotisme y est insistant, mais moins recueilli que lors d’un 1er Août au village. ça me fait l’effet d’un carillon électronique des jeux vidéo, du jingle frénétique qui accompagne le jackpot des machines à sous. Quant aux paroles, plus personne ne les sait, sinon quelques autochtones chauvinissimes et déphasés. D’ailleurs, plus on les méconnaît, plus on les persifle, car on les imagine redondantes, cocardières, fanfaronnes. A tort.
Paradoxalement, c’est grâce à trois dames espagnoles de mon voisinage que j’ai eu la curiosité de relire, via le Web, les vers de Leonhard Widmer (1809-1867) que Zwyssig avait mis en musique. Inès, Conception et Almonza les chantonnaient en français tandis qu’elles déplissaient leurs draps dans le carré d’étendage au pied de notre immeuble de Florimont. «Un hymne national, dirent-elles, est plus beau quand il y a des phrases dedans, car on peut le chanter en faisant la lessive.» Il est vrai que celui de leur terre natale n’en a point: c’est une marche militaire qu’avait adoptée leur roi Charles III en 1770, et dont l’air aurait été composé par Frédéric II de Prusse!
Depuis, je ne connais pas le Cantique suisse par cœur comme mes voisines, mais j’ai appris à l’aimer. Parce qu’il n’est point martial comme la Marseillaise: aucun étendard revanchard n’y est brandi, on n’y parle pas de «sang impur». Mais de soleils, de bois noirs, de foudres qui éclatent. D’un Dieu fort dans l’orage et dans la détresse.
On peut n’être pas patriotard, mais aimer tendrement sa terre.
15:20 Publié dans Si j'étais un rossignol... | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
"Mais de soleils, de bois noirs, de foudres qui éclatent. D’un Dieu fort dans l’orage et dans la détresse."
les Suisses sont assez religieux. Animistes...
Écrit par : Géo | 31/07/2010
Dites alors aux señoras que les principes actifs de la lessive ce sont les enzymes gloutons et non les phrases, mais que l'on peut tout aussi bien fredonner des musiques de pub pendant l'opération.
Écrit par : Rabbit | 01/08/2010
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